Dans quel contexte la fusion des 14 municipalités s’est-elle opérée pour devenir la Ville de Laval? Apprenez-en plus sur les différents pans de l’histoire qui débute le 6 août 1965.
L’inauguration de l’hôtel de ville de Chomedey
« J’ai l’impression que les édifices que vous inaugurez aujourd’hui sont bâtis pour plus que le Chomedey d’aujourd’hui. »
C’est ce qu’avait dit René Lévesque, à l’époque ministre des Richesses naturelles du Québec, à Jean-Noël Lavoie, maire de la cité de Chomedey, lors de l’inauguration de l’hôtel de ville de Chomedey, en 1964. L’année suivante, l’édifice allait devenir l’hôtel de ville de Laval. La création de la Ville de Laval est néanmoins l’aboutissement d’un long processus et d’un contexte historique opportun.
Vers la fin des années 1950, on témoigne d’un changement important au niveau de la vocation du territoire de l’île Jésus, soit l’apparition des développements résidentiels de banlieue. Ce phénomène est notamment rendu possible grâce à la généralisation de l’utilisation de l’automobile, laquelle permet aux gens de travailler à Montréal tout en vivant à l’extérieur de la métropole.
Ainsi, plusieurs secteurs anciennement agricoles, surtout ceux situés à proximité des ponts, des autoroutes et des routes menant directement à Montréal, se développent en tant que secteurs résidentiels.
C’est dans ce contexte, par exemple, que la municipalité de la paroisse de Saint-Vincent de Paul se transforme pour devenir Duvernay, que la municipalité de la Partie ouest de la paroisse de Sainte-Rose, dont le territoire longe à l’époque la nouvelle autoroute des Laurentides, se développe pour devenir la ville de Fabreville et que la municipalité de la paroisse de Sainte-Rose-Est, traversée par le boulevard des Laurentides, devient la ville d’Auteuil.
D’ailleurs, Auteuil est la dernière municipalité de l’île Jésus à atteindre le statut de ville, en 1961. À ce moment, malgré la présence de zones agricoles d’importance dans certaines villes, il n’existe plus de municipalités de paroisse à vocation strictement rurale sur le futur territoire de Laval.
Les municipalités de l’île Jésus étant autonomes les unes des autres, les nouveaux quartiers résidentiels émergent rapidement et bien souvent sans concertation avec les villes voisines. Ces lotissements se trouvent donc isolés les uns des autres et, dans certains cas, éloignés des anciens secteurs de leur municipalité.
C’est dans ce contexte qu’à partir de la fin des années 1950, les frontières de plusieurs villes de l’île Jésus sont modifiées. Par exemple, en 1960, une partie du territoire de la ville de Sainte-Dorothée est annexée par la ville de Laval-Ouest. Ce secteur se trouvait alors géographiquement plus près des portions développées du territoire de Laval-Ouest que des secteurs résidentiels de Sainte-Dorothée. L’annexion, demandée par les résidents du territoire concerné, leur donnait donc un accès plus efficace aux services municipaux.
Un cas similaire est observé plus à l’est, alors que la ville de Sainte-Rose annexe des parties de Fabreville et d’Auteuil. Ces annexions permettent à Sainte-Rose, dont le territoire initial était abondamment développé, de planifier l’expansion de sa zone résidentielle et la création d’une zone industrielle.
Les différentes municipalités ne disposent pas toutes des équipements nécessaires pour offrir l’ensemble des services à leurs citoyens. Ainsi, elles dépendent souvent des villes voisines pour répondre à la demande, notamment au niveau de la fourniture de l’eau, du raccordement à un réseau d’égouts, ou du service de protection des incendies. Certaines villes, dont Auteuil, éprouvent des difficultés à offrir des services autres qu’essentiels, comme l’aménagement de parcs, d’une bibliothèque et d’autres services de loisirs.
Afin d’améliorer la coordination entre les diverses villes et cités de l’île Jésus, l’organisme connu depuis 1855 sous le nom de Corporation du comté de Laval change de nom et de statut, en 1959, pour devenir la Corporation interurbaine de l’île Jésus. Avec l’acquisition de ce nouveau statut, l’organisme obtient des pouvoirs et mandats plus étendus, dont celui de prévoir les routes interurbaines.
Certaines municipalités de l’époque réclament toutefois que plus de pouvoir soit donné à la Corporation interurbaine, notamment au niveau du développement des infrastructures urbaines. Cette demande est d’ailleurs exprimée dans plusieurs rapports déposés à la Commission d’étude sur les problèmes intermunicipaux de l’Île Jésus, laquelle sera lancée en 1964.
La quantité de municipalités sur le territoire de la future Ville de Laval ne cesse d’augmenter tout au long de son histoire. En effet, entre le 17 décembre 1953 et le 5 mars 1959, il existe simultanément 17 municipalités sur l’île Jésus :
- la ville de Laval sur le Lac
- la ville de Laval Ouest
- la Ville-des-Îles-Laval
- la municipalité de la paroisse de Sainte-Dorothée
- la municipalité du village de Sainte-Dorothée
- la municipalité de la Partie ouest de la paroisse de Sainte-Rose (devenue Fabreville en 1957)
- la ville de Sainte-Rose
- la municipalité de la paroisse de Saint-Martin (devenue Renaud en 1959)
- la ville de Saint-Martin (créée le 17 décembre 1953, devenue la cité de Saint-Martin en 1958)
- la ville de L’Abord-à-Plouffe
- la ville de Laval-des-Rapides
- la ville de Pont-Viau (devenue la cité de Pont-Viau en 1958)
- la ville de Saint-Elzéar (devenue plus tard Vimont)
- la municipalité de la paroisse de Sainte-Rose-Est (devenue plus tard Auteuil)
- la municipalité de la paroisse de Saint-Vincent de Paul (devenue Duvernay en 1957)
- la ville de Saint-Vincent-de-Paul
- la municipalité de la paroisse de Saint-François de Sales (devenue la ville de Saint-François en 1958)
En 1959, une première fusion municipale est effectuée sur le territoire lavallois, alors que la municipalité du village de Sainte-Dorothée annexe le territoire de la municipalité de paroisse du même nom. Il est à noter que les 2 municipalités portant le nom de Sainte-Dorothée n’ont existé indépendamment l’une de l’autre que pendant 12 ans, soit de 1947 à 1959.
Une seconde fusion plus importante survient en 1961, alors que l’on réunit les villes de L’Abord-à-Plouffe et Renaud avec la cité de Saint-Martin afin de donner naissance à la cité de Chomedey.
Après sa création, l’administration de la cité de Chomedey explore la possibilité d’étendre davantage son territoire. Elle effectue alors des études sur les impacts économiques qu’occasionnerait l’annexion des villes de Fabreville et de Sainte-Dorothée.
Ces projets ne sont toutefois pas réalisés et Chomedey poursuit son développement à l’intérieur de ses limites territoriales, où des projets résidentiels, des espaces commerciaux ainsi qu’un quartier industriel évoluent très rapidement. Cette fusion est donc considérée comme un succès.
Le 7 février 1964, le ministère des Affaires municipales du Québec annonce la tenue d’une Commission d’étude sur les problèmes intermunicipaux de l’île Jésus, présidée par le juge Armand Sylvestre. Celle-ci est lancée parallèlement à une commission portant sur le même sujet pour l’île de Montréal, présidée par Camille Blier.
La Commission Sylvestre, dont les locaux sont situés à l’hôtel de ville de Pont-Viau, étudie donc les solutions proposées par différents intervenants, dont les municipalités du territoire concerné, afin d’harmoniser le développement et de favoriser l’accès aux différents services. Le débat est ouvert : certains désirent le statu quo alors que d’autres proposent la création de 2 ou 3 villes sur le territoire.
En décembre 1964, la conclusion de la commission d’étude est annoncée au public : une île, une ville! La solution ne fait toutefois pas l’unanimité, et les conseils de 6 municipalités annoncent qu’ils désirent effectuer un référendum sur la question de la fusion.
De l’autre côté, les maires de Pont-Viau, Saint-Vincent-de-Paul, Auteuil, Chomedey, Duvernay et Vimont signent conjointement un communiqué affirmant qu’ils désapprouvent toutes oppositions aux conclusions de la Commission Sylvestre. Finalement, le gouvernement du Québec annonce qu’il procédera à la fusion municipale, peu importe la volonté exprimée par la population.
Le 6 août 1965, la charte de la Ville de Laval, ou le Bill 63, est sanctionnée, officialisant ainsi la création de la Ville de Laval. La charte originale fait disparaître les frontières des anciennes municipalités et divise le territoire de Laval en 6 quartiers, soit Auteuil, Chomedey, Duvernay, Laval-sur-le-Lac, Saint-François et Sainte-Rose. Ces derniers englobent les anciennes municipalités qui y sont associées en plus de fragments d’autres anciennes villes et cités de l’île Jésus.
Afin d’assurer la gestion de la nouvelle Ville de Laval jusqu’aux élections générales prévues pour le 7 novembre 1965, on établit un conseil provisoire. Celui-ci est composé des maires des ex-municipalités ainsi que d’anciens conseillers municipaux. L’ancien maire de Chomedey, Jean-Noël Lavoie, est nommé premier maire de Laval à l’unanimité, le 16 août 1965.
À la suite de la nomination du secrétaire et du président intérimaire de l’assemblée, la première séance du conseil provisoire est interrompue. L’assemblée quitte l’ancien hôtel de ville de Chomedey pour s’installer dans l’auditorium de la Chomedey High School, au 3200, boulevard du Souvenir. Cette mesure est prise de manière à permettre à un nombre plus important de citoyens d’assister à la nomination du premier maire de la Ville de Laval, Me Jean-Noël Lavoie.
Après son élection par l’ensemble des membres présents à la séance du conseil, on procède à l’établissement d’un comité exécutif provisoire qui sera dirigé par le maire. Jusqu’en novembre 1965, le conseil municipal provisoire et le comité exécutif siègent jusqu’à plusieurs fois par semaine afin de fixer les bases de l’administration de la nouvelle ville.
Jean-Noël Lavoie, maire fondateur de la Ville de Laval
À travers cette vidéo, apprenez-en plus sur Jean-Noël Lavoie qui fut maire de Laval jusqu’en 1965
La naissance de Laval en images
Documents d’archives intégraux
Plan cadastral du comté de Laval préparé par le Département des terres et des forêts de la province de Québec, datant de 1958, et montrant les limites des 17 municipalités existant à l’époque.
Source : Fonds de la Corporation interurbaine de l’île Jésus (M19)
Mémoire déposé à la Commission Sylvestre par la cité de Chomedey.
Source : Fonds de la cité de Chomedey (M2)
Mémoire déposé à la Commission Sylvestre par la cité de Duvernay.
Source : Fonds de la cité de Duvernay (M3)
Mémoire déposé à la Commission Sylvestre par la Ville-des-îles-Laval.
Source : Fonds de la Ville-des-Îles-Laval (M5)
Mémoire déposé à la Commission Sylvestre par la ville de Saint-François.
Source : Fonds de la ville de Saint-François (M11)
Mémoire déposé à la Commission Sylvestre par la ville de Saint-Vincent-de-Paul.
Source : Fonds Jean-Noël Lavoie (P2)
Tome 1 du rapport final de la Commission d’étude sur les problèmes intermunicipaux de l’île Jésus.
Source : Fonds Jean-Noël Lavoie (P2)
Tome 2 du rapport final de la Commission d’étude sur les problèmes intermunicipaux de l’île Jésus.
Source : Fonds Jean-Noël Lavoie (P2)
Supplément statistique au rapport final de la Commission d’étude sur les problèmes intermunicipaux de l’île Jésus.
Source : Fonds Jean-Noël Lavoie (P2)
Brochure expliquant les raisons de la fusion des 14 municipalités de l’île Jésus à l’intention du grand public.
Source : Fonds Jean-Noël Lavoie (P2)